Se rendre au contenu

Topo sur les toponymes

Plus Il Y A De Majuscules, Plus On Rit ?!

S'il est une chose des plus essentielles quand on décrit l'univers fictif d'un jeu, ce sont bien les noms propres, dont font partie les toponymes (les noms de lieux). On les trouve partout dans les ouvrages de jeux de rôle, notamment dans la description de l'univers et dans les scénarios.

Les toponymes apportent facilement une certaine couleur au jeu et laissent les aventuriers que sont les joueurs s'immerger plus facilement dans la narration. Qu'ils désignent une taverne, une montagne, un quartier ou encore une ville, tous ont leur importance et revêtent un sens particulier qui enrichit le monde. Parfois, la langue inventée dans laquelle ils peuvent être écrits augmente encore leur mystère et leur attrait.


L'erreur commune

Comme pour souligner leur rôle dans la construction du monde, ou pour attirer davantage l'attention du lecteur-joueur, nous lisons les toponymes très souvent tout fardés de majuscules, par exemple :

  • les Terres Cendrées ;
  • le Mont Ténébreux ;
  • le quartier de Port Bleu ;
  • la Mer de Diamants ;
  • le Poney Fringant ;
  • etc.

Vous aurez reconnu le dernier, les autres sont inventés.

Sachez qu'aucun des toponymes cités n'est écrit correctement : tous comportent une majuscule fautive selon la typographie en usage en français, signalée en caractère gras.


Pourquoi ces majuscules en excédent qui surchargent le texte ?

J'y vois trois raisons principales :

  • la première serait que l'on calque la typographie anglaise, par habitude de lire également des œuvres et des jeux en anglais, et même d'en traduire les noms propres en français, sans se garder de l'erreur du calque. En effet, l'anglais se simplifie la tâche en affublant chaque nom et adjectif de la locution d'une majuscule initiale ;
  • la deuxième, que l'on lit très souvent, que ce soit dans la rue, sur les devantures de magasins, sur Internet ou dans des magazines, de nombreux noms de lieux, de boutiques et de restaurants, eux-mêmes ponctués d'une majuscule initiale à chaque mot, et l'on copie alors naturellement cette manière de faire, quand bien même la typographie, propre au travail éditorial, ne s'applique pas à ces noms du quotidien (par exemple, Moulin Rouge peut se lire ainsi dans la rue, mais si on devait citer ce nom dans un texte édité, on l'écrirait Moulin-Rouge, avec un trait d'union, voir ci-après) ;
  • la troisième, que l'on souhaite rendre ces noms propres plus visibles à la lecture, une majuscule attirant toujours l’œil, non ?

Bien entendu, ces trois raisons se conjuguent aussi avec une quatrième plus prosaïque : la non-connaissance de la règle en français.


La règle typographique

Celle-ci est comme souvent des plus simples : seuls les noms, plus précisément les noms spécifiques, prennent une majuscule ; les adjectifs, qui ne sont pas substantivés (utilisés comme noms), arborent donc naturellement une minuscule.

Si nous reprenons nos exemples, « cendrées », « bleu » et « fringant », tous trois adjectifs, s'écrivent avec une minuscule initiale : les Terres cendrées, Port bleu*, le Poney fringant ; tout comme « mont » et « mer », qui sont certes des noms, mais des noms génériques, c'est-à-dire qu'ils désignent un concept général qui englobe plusieurs éléments spécifiques ; autrement dit, des monts et des mers, il y en a plein.

Toutefois, le lecteur attentif aura relevé la majuscule à « Ténébreux », pourtant adjectif. Celle-ci est tout à fait correcte. En effet, Ténébreux seul est le nom spécifique du mont, nom générique. Dans ce cas, comme il est d'usage pour les mers, par exemple la mer Morte ou la mer Noire, l'adjectif employé comme substantif arbore une majuscule initiale, on écrit donc le mont Ténébreux.


Cas particuliers de l'adjectif

Il existe encore trois autres cas où l'adjectif prend, comme on dit, une majuscule :

  • quand il est placé avant le premier substantif, par exemple la Grande Corne ou la Belle Auberge ;
  • quand il est lié par un trait d'union au substantif, très courant dans les noms de quartier (Palais-Royal, Maison-Blanche, Enfants-Rouges...), de sorte que l'on écrira de préférence *« Port-Bleu » et non « Port bleu », contrairement à ce qui a été dit ;
    • cette règle s'applique aussi aux noms génériques, comme pour le Mont-Saint-Michel où « mont » a complètement été incorporé au toponyme, ce que l'on marque par l'emploi d'un trait d'union et par l'ajout d'une majuscule ;
    • si vous vous posez la question pour The White House, lieu de résidence des présidents américains, on écrit en français la Maison-Blanche, avec un trait d'union encore, condition pour que « Blanche » s'écrive avec une majuscule initiale ;
  • quand il fait partie d'un (sur)nom propre désignant une personne ou un personnage, comme par exemple le Prince Noir, Édouard de Woodstock ; ici « Noir » s'écrit avec une majuscule sans besoin de trait d'union.


Nous avons fait, je crois, le tour de la question.

La règle générale est très simple, comme vous avez pu le constater, et les quelques règles particulières ne devraient pas vous poser beaucoup de difficultés, tant elles deviennent naturelles à l'usage.

Pour ce qui concerne la visibilité des toponymes, soyez rassuré, ils ne sont pas moins visibles ni moins lus si l'on emploie les règles typographiques françaises, en plaçant les majuscules aux bons mots.


Rôlistement vôtre.

Des remarques, des corrections, des précisions ou des questions ?
Commentez sur Facebook sous la publication ou contactez-moi par mail.

Topo sur les toponymes
Atelier Rôlecture 12 novembre 2024
Partager cet article
Étiquettes
Archive